EPIDEMIEFaut-il douter de la sécurité des vaccins contre le Covid-19 ?

Coronavirus : Nouvel essai clinique nécessaire, effets secondaires… Faut-il douter des vaccins anti-Covid ?

EPIDEMIEAlors que des médecins américains préviennent des éventuels effets indésirables (a priori sans gravité) des vaccins anti-Covid, le laboratoire britannique AstraZeneca a annoncé que de nouveaux essais cliniques devaient être menés sur son candidat-vaccin
La campagne française de vaccination contre le coronavirus devrait démarrer dès la fin décembre.
La campagne française de vaccination contre le coronavirus devrait démarrer dès la fin décembre. - Konstantin Mihalchevskiy//SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a annoncé durant son allocution télévisée que la campagne de vaccination contre le Covid-19 devrait démarrer dès la fin de l’année.
  • Dans le même temps, le laboratoire britannique AstraZeneca a indiqué devoir mener de nouveaux essais sur son vaccin, après avoir fait l’objet de critiques.
  • Et des médecins américains redoutent que les potentiels effets indésirables des vaccins anti-Covid ne dissuadent le grand public de se faire vacciner. Ces craintes sont-elles justifiées ?

Les vaccins anti-Covid, c’est pour demain. Ou presque. Le chef de l’Etat l’a annoncé cette semaine lors de son allocution télévisée : la campagne française de vaccination contre le coronavirus​ devrait être lancée dès la fin de l’année. De quoi entrevoir un retour prochain à une vie « normale », débarrassée de la menace du Covid-19.

Mais alors que le gouvernement doit dévoiler sa stratégie vaccinale la semaine prochaine, une annonce a semé le trouble. Le laboratoire britannique AstraZeneca, qui communiquait lundi sur l’efficacité de son vaccin, a indiqué ce jeudi que son vaccin nécessitait finalement « une étude supplémentaire ». Et dans le même temps, des médecins américains alertent sur les effets secondaires de l’ensemble des vaccins anti-Covid, qui pourraient dissuader les personnes vaccinées de recevoir la deuxième dose du vaccin. Alors, est-on allé trop vite ? Faut-il s’inquiéter ?

Une nouvelle étude pour le vaccin d’AstraZeneca

Lundi, pour AstraZeneca, l’heure était à l’optimisme. Le laboratoire britannique annonçait, selon les résultats intermédiaires d’essais cliniques de grande échelle réalisés au Royaume-Uni et au Brésil, que son vaccin était en moyenne efficace à 70 %. Moins efficace que le vaccin de Pfizer-BioNTech ou celui de Moderna, mais suffisamment. Un chiffre à décortiquer, car derrière ce résultat se cachent de grands écarts entre deux protocoles différents. L’efficacité du vaccin est de 90 % pour les volontaires qui ont d’abord reçu une demi-dose, puis une dose complète un mois plus tard, mais de seulement 62 % pour un autre groupe, vacciné avec deux doses complètes à un mois d’écart.

Alors que l’injection d’une demi-dose était originellement due à une erreur – ce qui explique que seuls 3.000 patients aient suivi ce protocole – les résultats semblent montrer que ce premier schéma entraîne une meilleure réponse immunitaire. « Il est possible qu’une dose initiale plus faible puisse entraîner une efficacité plus élevée du vaccin. Plus n’est pas nécessairement mieux en matière de vaccins et d’immunothérapie », a expliqué la professeure en immunologie Helen Fletcher, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Mais la petite taille du groupe ayant reçu une demi-dose lors de la première injection, ainsi que le fait que ce résultat soit dû à une erreur, a légitimement suscité des critiques.

Jeudi, AstraZeneca a donc annoncé devoir mener « une étude supplémentaire ». « Maintenant que nous avons trouvé ce qui semble être une meilleure efficacité, nous devons la valider, donc nous devons faire une étude supplémentaire », a déclaré jeudi Pascal Soriot, le directeur général du laboratoire britannique, dans une interview à l’agence Bloomberg. Les résultats de cette nouvelle étude internationale « pourraient être plus rapides » à obtenir, « car nous savons que l’efficacité est élevée donc nous avons besoin d’un plus petit nombre de patients », a-t-il précisé. « L’OMS attend avec impatience la publication complète des données d’Oxford/AstraZeneca », a indiqué jeudi l’organisation.

Des effets secondaires à prévoir

Dans le même temps, des médecins américains se sont inquiétés, lors d’une réunion avec les conseillers des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC), des conséquences des potentiels effets indésirables des vaccins anti-Covid. Parmi les laboratoires ayant publié les résultats de leurs essais de phase 3, aucun n’a fait état d’effets secondaires graves. Seuls quelques désagréments mineurs et assez communs ont été observés chez quelques participants. En septembre, des volontaires aux essais des vaccins de Pfizer et Moderna avaient indiqué avoir ressenti fièvre, maux de tête, courbatures ou encore fatigue intense. Ce qui inquiète les médecins américains, c’est l’effet dissuasif des éventuels effets indésirables : les patients reviendront-ils se faire injecter la deuxième dose s’ils développent des effets secondaires désagréables ? « Nous devons vraiment sensibiliser les gens sur le fait qu’il ne s’agira pas d’une promenade au parc », a déclaré à CNBC le Dr Sandra Fryhofer, de l’American Medical Association.

« Les effets secondaires dans le cadre d’un essai sont, comme pour une vaccination, la plupart du temps sans gravité, rassure-t-on sur la plateforme Covireivac, l’outil de recrutement de participants aux essais cliniques français développé par l’Inserm. Les effets secondaires éventuels peuvent se manifester par de la fièvre, un malaise, des douleurs musculaires, des maux de tête, une rougeur ou un gonflement sur le site d’injection. Mais dans la majorité des cas, ils disparaissent spontanément en quelques jours ».

En outre, « les personnes participant à un essai font l’objet d’un suivi très serré pour traiter rapidement tout effet indésirable éventuel », rassure l’Inserm. Les volontaires « restent ainsi sous observation entre 30 minutes et 4 heures, suivant la phase de l’essai, après l’administration du vaccin, puis font l’objet d’un suivi quotidien la première semaine, puis hebdomadaire pendant un mois ».

Les premières vaccinations fin 2020 en France

Emmanuel Macron a indiqué, on l’a dit, que les premières vaccinations démarreraient fin décembre. La France, par l’intermédiaire de l’Europe, a déjà précommandé 90 millions de doses de vaccin, notamment auprès de Moderna. Une commande dont la livraison devrait être échelonnée sur plusieurs mois, à mesure que les vaccins seront produits, et alors qu’une multitude de pays du globe a également passé commande.

Mais comment démarrer la campagne en France d’ici à quelques semaines alors qu’aucune autorisation de mise sur le marché n’a encore été accordée par les agences sanitaires ? « On n’a pas assez de données sur la sécurité des vaccins. Il faut attendre d’avoir plus de gens et plus de suivi », a préconisé cette semaine sur LCI l’épidémiologiste Catherine Hill. « Nous n’avons toujours pas vu les études scientifiques qui rapportent des résultats de ces vaccins », mais uniquement des « communiqués de presse issus des laboratoires pharmaceutiques », abonde le Pr Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière.

Des précommandes de vaccins « conditionnées à la réussite des essais cliniques »

Interrogation supplémentaire : à quoi vont servir les essais de grande ampleur pilotés par l’Inserm si l’Etat a déjà passé commande ? « Les achats réalisés par le gouvernement ne sont que des pré-achats : ils restent conditionnés à la réussite des essais cliniques, répond-on du côté de Covireivac. De plus, même concernant un vaccin sur lequel l’industriel ne ferait pas d’essai clinique en France, des essais complémentaires peuvent être nécessaires pour affiner la politique de vaccination et déterminer à quelle catégorie de la population il serait le mieux adapté ».

L’Agence européenne du médicament (EMA) a indiqué lundi qu’elle pourrait approuver les premiers vaccins d’ici la fin de l’année ou début 2021. C’est le calendrier sur lequel se sont calés plusieurs pays en esquissant leurs plans ces derniers jours, comme l’Espagne, l’Italie ou la France.

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